Lecteur, lectrice…
Toi aussi, tu te demandes ce que je fais encore là? Pourquoi je n’ai pas encore accouché?
Pour avoir une date d’accouchement, envoie naissance au 8 32 32.
Nos astrologues te répondront.
Est-ce qu’ils te répondront juste, ça, c’est une autre affaire…
Voilà, donc je suis à J-2 de mon terme, et ma fille nage tranquillement le crawl dans mon utérus de compet’, qui ne tressaille pas même sous la torture du ménage, du repassage, du ballon de fitness, de la marche rapide, de la montée-descente des escaliers de l’immeuble…
Bref, si les hommes avaient un utérus, le mien serait celui de Chuck Norris.
Et si ma fille ne devient pas championne de natation après 9 mois passés à buller en milieu aquatique, alors je ne sais pas ce qu’il faut faire…
Et pourtant, je me donne du mal, je t’assure.
Dimanche, il m’est arrivé une drôle de mésaventure.
Comme j’étais tranquillement allongée sur mon lit, après avoir récuré toute la maison, du sol au plafond, puis du plafond au sol, espérant que cela me déclenche quelques saines contractions, autres que celles qui tiraillaient mon mollet gauche, je me suis endormie. Comme une grosse loque, oui-oui.
Pas longtemps, une demi-heure, tout au plus.
Et au réveil, l’hallu totale:
de petits cercles lumineux se déplaçaient tout autour de ma chambre, façon stroboscope; cela scintillait de toutes parts, et lorsque j’ai posé les yeux sur le poster d'Indochine (oui, chuis fan d’Indochine, tout le monde devrait être fan d’Indochine, c’est comme ça) fixé au mur de ma chambre, je n’ai pu lire que:
"…DO…NE".
Pratique, pour jouer au Pendu… Mais curieux…
Interloquée, je regarde alors ma main gauche et m’aperçois qu’il me manque le majeur et l’annulaire.
Sur la droite, plus d’auriculaire.
Oh con, quelqu’un est venu me démembrer durant mon sommeil!!!!!
J’ai été abductée par des aliens et ils m’ont piqué des trucs!!!
En revanche, mon gros ventre, lui, est toujours là.
Ouf.
Et mes kilos aussi.
La vache, sont sélectifs, les aliens.
Je me dis:
"OK, pas de panique. Tu t’es endormie, tu t’es levée un peu vite, tout va bien, ça va passer. Une petite chute de tension, épicétou".
Je décide alors de patienter un peu.
Je ferme les yeux, je vois des tâches blanches.
Je rouvre les yeux, je vois des tâches blanches.
Donc, plusieurs hypothèses:
- Des orbes fantomatiques hantent ma chambre. Je miserais sur l’esprit de Michaël Jackson.
- Il neige un 26 avril à Marseille. Dans ma piaule, comme ça, tranquille.
- J’ai des pellicules.
- Il reste de la poussière après les 48 heures de ménage que je viens de me coltiner.
- Ou alors, mon œil souffre de vitiligo (bon, ça suffit, Michaël, maintenant!!!) (N.B: ne jamais taper "tâche blanche" dans Google. Ca vous fait commettre de drôle d’associations d’idées).
Dernière hypothèse, la plus angoissante, je fais une bonne crise d’hypertension et je frise l’éclampsie…
Au bout d’une demi-heure, en l’absence d’amélioration, je commence à me dire que si ça continue, il va falloir que ça cesse.
Je me décide à composer, tant bien que mal, le 15 et tente d’expliquer, calmement, mon problème.
Je suis époustoubouriflée by myself et mon sang-froid à toute épreuve, jusqu’à ce que l’agent de régulation me demande à quand remonte ma dernière visite à l’hôpital.
Je cherche la date dans mon dossier médical, épais comme un annuaire de la région Rhône-Alpes, et là...
impossible de lire le moindre mot.
On aurait dit que tout avait été passé au Tip-Ex!!!
LA, j’ai paniqué.
Mais VRAIMENT.
La dame au bout du fil aussi.
Elle m’explique qu’elle va faire venir les Marins-Pompiers chez moi,
"Tout.de.suite, Madame".
P’tain, quoi, les pompiers débarquent chez moi et je ne suis même pas maquillée (toutes les femmes sauront de quoi je parle)!!!!
Bon, eh bien, inutile de s’y mettre maintenant, c'est trop tard.
Autrement, avec mon œil torve, je vais ressembler à une toile de Picasso.
Ou bien à… Vous vous rappelez, cette espagnole qui avait refait le portrait du Christ?
Vous êtes d'accord, personne ne peut me réclamer de droits d'auteur, si j'utilise cette photo... Ce serait criminel...
Alors que là, je ressemble juste au mammouth de la grotte de Lascaux.
Ca va, quoi.
Ouais bon ben ho, chuis enceinte, hein!!!!
J’appelle mon mari, pour le prévenir que je vais le trahir avec d’autres marins-pompiers que lui sous son propre toit.
Oui, parce que mon mari travaille chez les marins-pompiers, lui aussi, bien qu'il exerce une spécialité différente.
Mais celui lui confère le privilège... ou devrais-je dire, ME donne la chance de pouvoir l'admirer dans LE fameux uniforme, somme toute assez flatteur pour la zone comprise entre le haut des jambes et le bas du dos:
Zone comprise entre le haut des jambes et le bas du dos.
Ben quoi, elle est pas trop swag, cette ceinture???
Oui ben un peu de tenue, Mesdames, ceci est un blog FA-MI-LIAL!
Non, vraiment, si la police d'Anastasia Steel... euuuuuh!!! Si la police du style interpelle mon mari dans cette tenue, il prend perpète à la prison des Amazones, avec un forfait de mille châtiments corporels.
Non, non, les Marins-Pompiers ne portent pas de cravate, non.
Quoi, la lance à incendie???
M'enfin, je ne comprends rien à vos messages subliminaux...
Bref, lorsque le Mawi rentre dans la chambre, je m’aperçois avec horreur que je ne vois plus ses cheveux!!!!
... Ah putain, il est chauve, c’est vrai...
Je lui explique que je ne vois plus rien, ou du moins, par intermittence et comme à travers une passoire, et là, je le vois blêmir.
Ah ben non, il est noir.
Foutues tâches blanches, rhaaa!!!
Bon sang, en fait, n’importe quel visage sur lequel se pose mon regard ressemble furieusement à un Donut…
Je gamberge sérieusement et me dis que c’est fichu, mon bébé doit naître dans quelques jours et si ça se trouve, je ne serai même pas en mesure de voir sa bouille. Cette pensée m’a vraiment travaillée.
Oups, plus le temps de réfléchir, ça sonne!
Je descends les escaliers un peu comme je le peux, en évitant de me rétamer (remarque, c’est le moment ou jamais de se casser un truc, heing. Ce n’est pas tous les jours que les marins- pompiers de Marseille viennent faire un strip-tease chez vous vous sauver).
J’ouvre la porte, et je distingue des tâches bleues barrées de rouge.
Comme ça:
Ah mince, j’ai dû aller trop loin et sortir dans la rue.
"Marins-pompiers, qui est malade?"
"MOI-MOI-MOI!!!"
Ouh la, ça tourne. Besoin de m’asseoir. Je me laisse tomber sur la chaise du salon avec la grasse grâce de Bibi Phoque.
J’entends l’une de mes jumelles descendre discrètement les escaliers et chuchoter à l’oreille de sa sœur:
"Ah non, c’est trop nul, ils z’ont même pas de casque!"
Deux silhouettes se tiennent en face de moi et l’une d’elle m’interroge:
"Vous savez quel jour on est?"
Je réponds "Dimanche!" très vite, sans réfléchir.
"C’est bien, elle se repère dans le temps".
Ben ouais, dimanche, quoi, le meilleur jour de la semaine! Enfin, ça dépend quel métier on fait… C’est sûr que pour les hommes en bleu, le Dimanche n’est pas forcément synonyme de repos…
(Au passage, heureusement qu’on n’était pas mercredi.
Moui, parce que j’ai un contentieux avec le mercredi, do you remember?)
"Vous savez où on est, Madame?"
"Oui, chez moi!"
"Chez moi où?"
Non, pas chez toi, chez MOI. A Marseille.
"Quelle adresse?"
Ouaiiiiiis je crois que j’ai un ticket, les fiiiilles!!!!!!!
Le prochain coup, il me demande mon 06!!!
"Bon, ça va, ce n’est pas un AVC a priori. Vas-y, prends lui la tension…"
Et là, quelque chose sur ma gauche me touche le bras. Je bondis.
"Ah pardon… Nous sommes 3, en fait".
La vache!!!! Sur les 3 hommes, je n’en avais vu que deux… C’est dire comme j’étais atteinte…
Et en même temps, quel gâchis, 3 marins-pompiers chez moi et seulement 2 visibles, crotte...
"Vous ne vous droguez pas?"
Euuuuh beeeen… Le Nutella, ça compte?
Petit à petit, j’y vois un peu mieux et je commence à distinguer le sommet du crâne des deux militaires en face de moi.
Un roux, un brun.
Je ne vois par contre toujours pas celui qui se trouve sur ma gauche, mon champ de vision est tout rétréci.
Façon cheval avec des œillères, vous voyez? Ah ben non, vous ne voyez pas… Et moi non plus.
Je leur explique que je ne visualise que la moitié de leur visage, et le roux se marre:
"C’est pratique, quand on est moche!!!!"
12,6 de tension, c’est bien, c’est rassurant.
Le brun: "Alors comme ça, c'est votre premier bébé?"
Moi: "Non, mon cinquième!"
Le brun: "VOUS PLAISANTEZ???"
Moi: "Non, non, c'est vrai!"
Sifflement admiratif du brun: "Eeeeh bien... Laissez-moi vous dire que physiquement, vous ne faites absolument pas vos 5 enfants..."
Je glousse, pas peu fière.
Le Mawi aussi.
Le brun appelle le neurologue de l’hôpital qui tient à me parler, je lui redéballe vite fait mes symptômes et là il m’explique qu’il souhaite me voir;
"Je dois venir avec les pompiers, alors?"
"Bien vu, vous venez avec eux, repassez-les moi."
Bien vu, bien vu… Il a de l’humour, lui…
Je tends le téléphone au militaire, qui reprend sa discussion: "Non, à part du Biogaran, elle ne prend rien du tout".
Je souris intérieurement, parce que Biogaran, c'est le nom du laboratoire.
Chose que doit lui faire remarquer le neurologue car le brun se rattrape: "Oh oui, pardon, de l'Oméprazole..."
ET DU NUTELLAAAAAA!!!!
Et me voilà en train de monter dans le camion pour un trajet VIP avec 3 gardes du corps rien que pour moi.
La classe à Dallas, j’ai envie de dire. Comment je vais trop craner auprès des copines, demain!!!!
Mais la route est chaotique, et les suspensions en sale état.
Très vite, je ressens des contractions arriver, par vagues.
Je rends compte au Roux qui tente de me rassurer:
"Nous sommes presque arrivés. Regardez, vous pouvez voir où on est, par la vitre?"
Je n’ose pas lui dire que j’ai un sens de l’orientation calamiteux et que même Crocodile Dundee se débrouillerait mieux que moi, lâché en milieu urbain. Vraiment, je suis une handicapée de la carte routière, et je vous assure que c’est grave et parfaitement incurable.
Du coup, je réponds:
"Aaaaaah mais ouiiiii…."
Mais en fait, non.
Pour détendre l’atmosphère, il me fait jeux de mots sordides sur la vue.
Aussi, si vous êtes aveugles, pitié, ne lisez pas ce qui va suivre!!!
(Note pour plus tard: penser à faire un blog en braille)
"Il ne fait pas beau, aujourd’hui", dit son collègue.
"Boaaah c’est une vue de l’esprit, pas vrai, Madame?" me demande le roux, en me faisant un clin d’œil.
Enfin pour moi, étant donné que je ne voyais que la moitié de son visage, c’était un clin d’œil.
Mais si ça se trouve, c’était simplement une nictation naturelle (ça vous fera chercher un nouveau mot dans le dico. Et non, la nictation n’a rien à voir avec «nictamère»).
"Votre sac, Madame, je le mets sur vos genoux. Parce que l'étagère est haute et comme vous avez la vue qui baisse…"
Ouais, ben fais gaffe que ma vue ne baisse pas trop, garçon, parce que ton postérieur est à hauteur de mon horizon, là... Tu vois ce que je veux dire?
"Alors, Madame, c’est toujours ambiance «boîte de nuit» dans vos yeux, ou ça passe?"
"Un peu, mais moins!!!"
"Pour les flashs bleus, c’est normal, hein, c’est le gyrophare!"
Je lui réponds: "Ca crève les yeux", et il se marre.
Bon public, quand même.
Manque plus que les sirènes, pour l’animation, et ça passera nickel!!! On va mettre le feu, ouaiiiiis!!!!
Arrivée à l’hôpital de la Timone;
l’attente est assez brève.
Mes accompagnateurs retournent à leur devoir (snifff... Adieu...) et me laissent en compagnie des infirmières.
Elles sont surchargées de travail, le hall est blindé de brancards et ressemble à la cour des miracles.
Franchement, j’admire la patience du personnel qui se fait à moitié agresser par une vieille dame, qui a visiblement oublié sa politesse à la maison.
Et du coup, je n’ose pas déranger l’équipe et lui dire que les contractions se font plus intenses, mais l’angoisse d’accoucher entre la vieille dame acariâtre et la malade imaginaire qui se trouve à ma droite étant la plus forte, je finis par me manifester:
"Eeeuuuuuh, excusez-moi, s’il-vous-plaît… Je crois bien que mes contractions se rapprochent…"
L’infirmière qui m’a reçue lâche tout et accourt:
"HEIN, QUOI?!!
Mais vous ne pouvez ABSOLUMENT PAS ACCOUCHER ICI, on n’a rien, ici!!!!
J’appelle le neuro TOUT-DE-SUITE!"
Râle de la vieille dame qui se plaint du fait qu’elle était là avant moi.
Réponse immédiate de l’infirmière, les dents serrées:
"Vous n’avez pas besoin d’un neurologue, vous!"
Et je sens bien qu’elle résiste à l’envie d’ajouter:
"En revanche, l’euthanasie suivie d‘une bonne thanatopraxie, ça peut s'arranger…"
Et effectivement, le neurologue arrive rapidement.
Je lui explique que je commence à ressentir une drôle de douleur qui me vrille le cerveau.
Il effectue un bilan rapide et m’explique que les phosphènes dont je souffre sont en fait dus à une migraine ophtalmique avec aura.
Façon Bernadette Soubirous, la Vierge en moins, quoi.
J’aurais au moins appris quelques chose durant cette journée tordue…
Impressionnant, donc, mais transitoire et sans gravité.
Je vois bien que le neurologue est très pressé de me renvoyer vers la maternité.
Du coup, j’ai droit à un deuxième transport VIP, en ambulance, cette fois.
Au départ, l’ambulancier se donne contenance et me tapote l’épaule en me répétant:
"Ca va aller, ne vous inquiétez pas, on va y aller doucement. Ne vous inquiétez surtout pas, hein! Saint-Joseph n’est pas loin. Allez, allez, ma p’tite dame."
Je me demande qui est-ce qu’il tente de rassurer ainsi.
Parce que moi, ça va, hein, je suis zen!
Depuis le temps que ma fille se fait attendre, je doute qu’elle arrive sur des contractions espacées de 10 minutes. A moins qu’elle ne décide, après 9 mois de brasse, de se lancer dans le sprint.
Durant le trajet, l’ambulancier me demande timidement:
"Dites, euh… Vous n’avez pas envie qu’on vous mette la clim?"
Je réponds: "Non, non, merci, la température est parfaite!!!"
Lui, après une hésitation: "Non mais en fait, c’est pour moi. Je suis un peu stressé, là. Vous comprenez, j’ai déjà dû accoucher ma femme et je suis encore traumatisé, et là, avec vos contractions… Rho la la…"
J’explose de rire, et je lui explique que je n’ai aucune envie de pousser.
Ca semble le rassurer. Un peu.
Arrivés à Saint-Joseph, mon mari est déjà sur place.
L’ambulancier plaisante avec lui:
"Je suis bien content de me débarrasser de votre femme!!!" et le Mawi a, à son tour, droit au récit de l’accouchement catastrophe de Madame.
Le pauvre, il n’avait pas besoin de ça…
A la maternité, je suis placée sous monitoring et examinée; le verdict tombe, implacable:
col long, postérieur et fermé,
malgré les contractions sans doute plus dues au stress qu’à un vrai début de travail.
Accouchement imminent??! Tu parles, avec des jumelles en bois, oui!!!!!
Je suis déçue comme jamais, j’en ai tellement mââââârre de cette journée interminâââââble…
J’ai quand même droit à un shoot d’oxygène qui me libère partiellement de mon mal de crâne.
Aaah c’est d’la bonne…..
Mais à 23 heures, fin des hostilités.
Mon ventre devient aussi souple que mon ballon de fitness. Qui se dégonfle plus vite que moi, à l’évidence.
Et aujourd’hui, le rendez-vous de surveillance fœtale n’est pas plus concluant.
Un monitoring aussi plat que les Landes. Ou comme la poitrine de Jane Birkin.
"Bon, vous revenez dans 48 heures pour un nouveau monito et une écho!"
Réaction du Mawi à cette annonce: "Oooooh putain….."
Réaction intérieure de moi-même à cette annonce: "Ooooooh putaaaaain!!!"
Non, vraiment, je commence à penser que ce bébé sera un futur Tanguy de 4 kilos bien tassés.
Hé, ho, c’est la fin de la trève hivernale! Je suis en droit de l’expulser, si je veux, non…?
Parce que si ça continue comme ça, mon canapé, qui s’affaisse de plus en plus sous mon poids, va finir par m’éjecter de lui-même…
Et puis, j’ai peur d’être arrêtée pour recel, ou séquestration, un truc comme ça:
"Madame, ça suffit!!!! Ca fait 9 mois que vous le retenez prisonnier, libérez ce bébé tout de suite!!!!"
"Nan mais vous ne voyez pas que c’est lui qui me tient en otage!!!!?"
Remerciements au BMPM.