En haut des marches de l'amphi... Acte 1*
*Acte 2 à venir
03 septembre 2012.
Aujourd'hui, je suis une grande fille. C'est le jour de ma rentrée.
J'arrive sur le campus de Schoelcher avant (presque) tout le monde (moi , stressée? jamais!!!).
Un magnifique parking attend patiemment que j'y gare ma Kia, dernier élément connu et rassurant dans ce monde hostile.
Tiens donc!!! il est bizarrement foutu ce parking, je ne vois pas par où se fait la sortie. Pas grave, on verra ça plus tard, chaque problème en son temps! Je parque donc la bête un peu comme je peux, prends une dernière inspiration... et ...
"TUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUT!!!!!!!!!!!!!!"
Regard rapide dans le rétro... Oups!!! C'est pour moi. Il semblerait que je sois garée en plein sur la voie réservée à la sortie, ce qui me vaut les remontrances muettes -mais agitées- d'une monsieur qui souhaiterait s'éclipser. Un peu comme moi.
Ah... Je me disais bien aussi qu'il était bizarrement fichu, ce parking... Mais nous mettrons cette erreur, d'une blonditude extrême de surfeur tout à fait affligeante, sur le compte de l'émotion (si vous tenez à la vie, je vous suggère d'en faire autant).
Bon, alors je re-manoeuvre, et cette fois, je me mets dans le sens de la sortie, car je ne sais pas si vous avez remarqué, mais une voiture familiale dans un parking universitaire, ça se remarque tout de suite.
C'est la seule voiture dont l'avant et l'arrire-train dépassent du marquage au sol (très minimaliste, ce marquage au sol, il y avait avarie de peinture, ou quoi?!), la seule voiture qui n'a pas de méchant "A" collé à l'arrière, mais un autocollant: "BB à bord, woulé reskonsab", le seul véhicule qui est entièrement équipé de sièges-autos et de pare-soleil "Hello Kitty".
L'avantage, c'est qu'à peine sortie de la voiture, un petit groupe d'étudiants me salue poliment.
Rhoooo ça alors... Ils ont dû me prendre pour une prof!
Je ne sais pas trop comment je dois le prendre, mais à la réflexion, je crois que je n'ai pas le choix; eh oui, cette fois, c'est officiel, j'ai 30 ans.
Juste 10 ans de plus qu'eux.
Alors, finalement, je décide de profiter de mon statut usurpé pour leur demander: "Vous faites votre rentrée en Lettres modernes?"
Eux: "Euh, oui, oui!!! On fumait juste une dernière clope mais on y va, là, hein, on rejoint l'amphi tout de suite!!!"
Mwouahahaha!!!! Amusant, ce petit air de gosse pris en faute se sentant contraint de se justifier!
En tout cas, ça m'a permis de me renseigner discrètement sur le lieu des réjouissances, sans passer pour une pauvre fille paumée, livrée à elle-même dans la cour des grands.
Euh, dans la cour des D'jeun's.
Ils partent devant, je leur emboîte le pas.
J'entre dans l'arène.
Bon, à première vue, c'est un amphi qui ressemble à n'importe quel amphi.
Je descends les marches.
Je rate une marche. <---------- vous n'êtes pas obligés de lire cette phrase.
Oui ben ho! On n'est pas à Cannes, non plus...
Pas grave, personne ne m'a vue.
A part les 120 élèves du haut de l'amphi.
Mais, ça va, les 140 autres, en contrebas, n'ont rien vu. Mon honneur est sauf à 50%.
Mais cet incident n'est peut-être que le présage d'une autre catégorie de chute, que je vous conterai plus tard.
Je cherche une place du regard, et à vrai dire, des places libres, il y en a plein.
Mais un amphi de fac, c'est comme une salle de cinéma: si tu veux rejoindre ou quitter une place située en milieu de rang, tu prends l'énorme responsabilité d'obliger 20 personnes à se lever pour te laisser passer. 20 personnes qui, immanquablement, t'assassinent du regard.
Et en plus, là, t'as même pas de pop-corn.
Je décide donc de rejoindre une place située à l'extrémité du seul rang entièrement vide que j'ai trouvé: celui de devant.
C'est officiel, je n'ai pas le droit de m'endormir, ou bien je prends le parti de me mettre à dos toute l'équipe pédagogique, dès les premières heures!
Et pourtant, Dieu que j'ai sommeil... Les jumelles ont fait la bamboula une bonne partie de la nuit, et ainsi, en fait de valises, c'est carrément la soute à bagages toute entière que j'ai sous les yeux.
Pour ne pas m'endormir et impulser à mon cerveau une certaine dynamique -qui a dit: "AH BON, ELLE A UN CERVEAU?"- je balaye la salle du regard -un regard semi-circulaire, sans bouger la tête.
Essayez, c'est très dur à faire (meuh arrêtez d'écouter les conneries que je raconte, bien sûr que c'est facile à faire!):
c'est le regard balayette. Bruce Lee le faisait très bien avant de passer à l'attaque. Et moi aussi, j'affronte l'ennemi!
Donc, regard-balayette, et... Ho!!! Surprise!!! Devinez qui se trouve dans mon périmètre de regard-laser? A deux bancs de moi?
Les étudiants polis de tout à l'heure, qui me fixent, mi-interloqués -je viens de perdre mon statut de faux prof, ma couverture est foutue- mi-amusés.
Je fais abstraction, j'écoute attentivement, et je sens monter un l'enthousiasme à la simple évocation des termes "littérature comparée", "littérature antillaise, caribéenne"... Je sais , il ne m'en faut pas beaucoup. Mais quand on aime lire, décortiquer une œuvre, la perspective de mettre en pratique ce qui est, à la base, un réel plaisir, ne peut que m'enchanter.
Bref, la matinée passe très vite, et on autre mot retient mon attention:
"PETIT-DEJEUNER".
Quelle délicate attention envers mon estomac affamé! L'année commence décidément bien!
Alors que j'entame ma remontée des marches de l'amphi telle Nicole Kidman sur le tapis rouge, j'aperçois, tout en haut de celles-ci, un comité d'accueil que je n'avais jusqu'alors pas remarqué: il s'agissait là du staff de "Martinique 1ère", la chaîne d'infos locales, qui attendait les remontées (c'est le cas de le dire) des premières impressions de ce nouveau cru d'étudiants fraîchement rentrés.
Alors que l'équipe journalistique était à l'affût d'un pigeond'une proie potentiellement inteviewable, je tentais maladroitement de me mettre en mode furtif, en éprouvant une nouvelle méthode de camouflage; mais j'ai bien vu que la méthode "point blanc vs marée noire" n'avait pas l'effet escompté.
J'ai donc tenté la planque derrière un troupeau de jeunes filles -oui, parce que le jeune se déplace en troupeau- et c'est ainsi que je ne n'en ai rendu ma présence que plus évidente aux yeux de l'un des journalistes, qui m'a prise en flagrant délit de fuite mal dissimulée.
Arf.
Le sadique.
Bah oui, mais en même temps, allez vous cacher de quelqu'un qui, depuis le point culminant de cette immense salle, jouit d'une vue imprenable, quasi-panoramique! Il lui est aisé de repérer les récalcitrants.
Moi, en l'occurrence.
Vous avez vu le pacte des loups? Hum? La scène de cette pauvre bergère, au fond d'un trou fangeux, et aux parois glissantes? Eh bien, en amont, la bête du Gévaudan eut tôt fait de la cerner, du haut de sa position dominante. Aucun moyen d'en réchapper. Supposez un instant que je sois la bergère (BOUDIOU la MARRRRIE!!!!); j'ai beau utiliser ma technique de rotation-pivotante-de-la-tête-à-la-Bruce-Lee, ce n'est pas elle qui me sauvera!!!
Je ne sais comment, le troupeau de jeunes filles s'est éclipsé -lâcheuses!!!-, et je me suis retrouvée à découvert face à un énorme objectif carré, sombre et inquisiteur. OMG. Une caméra. Solitude profonde.
"Madeuuuumââââseeeeeeeellle!!!!!"
Je me retourne. Personne derrière moi. Mince, chuis cuite. Une deuxième fois, ma couverture est grillée, et cette-fois, mon âge ne me sauvera pas. Je me fissure de partout. L'intérieur de mon être me semble exclusivement composé de coton et de caféine pure, tant mes mains tremblent. Le trac, moi... grande bavarde que je suis...
J'ai droit à toute une série de questions sur mon nouveau statut d'étudiante, mon nouvel environnement, mon intégration... Puis on m'annonce que ma trombine sera visible le soir même, aux yeux de toute la Caraïbe, au journal de 19h30. Rha, flûte, ben... vous n'étiez pas obligés, hein...
Mais finalement, le regard bienveillant, mais surtout impressionné de mes enfants sur leur Maman capable d'ubiquité (une maman sur le canapé, une maman dans la télé), acheva de m'emplir de fierté d'avoir survécu à cette journée, pour le moins épuisante, psychologiquement.
"T'ES BELLE, MAMAN...."
Ooooooooooooooooh mes pitits poussiiiiiiiins.....