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Les crabes en marinade
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Les crabes en marinade
  • Blog d'une famille corsaire à col bleu et son équipage: 1 jeune matelot, 3 pimoussettes, une bidou-pirate ayant arraisonné mon utérus via le courant fallopien. Ici, pas de rhum, pas de barils de poudre; rien que des tonneaux de lait maternisé et du talc!
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7 août 2012

Hors du temps, la savane des esclaves

SAM_0400(Oui euh... Mes excuses pour la photo de traviole. Promis, je n'avais pas encore attaqué la liqueur de Goyave, non non!)

 

Je vous avais promis un éclairage sur la culture martiniquaise, alors laissez-moi vous donner aujourd'hui un aperçu de ce qui la reflète, je le pense sincèrement, le mieux:

 

Bienvenus dans la très dépaysante

SAVANE DES ESCLAVES,

aux 3 îlets

 

En effet, comment parler de la Martinique sans évoquer cette sombre période que fut l'esclavage, ou l'oppression de tout un peuple?

 

Le travail et le courage d'un seul homme, Gilbert Larose, ont su refléter au mieux le drame vécu par ses ancêtres: leur quotidien, parfois très chiche, leurs coutumes ancestrales, leurs secrets médicinaux, leurs habitudes culinaires...

 

En 1999, Gilbert Larose a entrepris de fonder, seul, sans la moindre aide financière, avec une patience infinie, à la force de ses bras et alors que personne ne croyait en son entreprise, une représentation fidèle d'un village antillais traditionnel de l'époque; le village "Antan Lontan":

 

Cela comprend certes les habitations (les cases), et leur évolution à travers les âges,  mais aussi la culture de la terre, à l'ancienne, sans pesticides; Là-bas, un jardin extraordinaire nous livre les secrets des plantes les plus méconnues et stupéfiantes, à nous, européens bien modestes face à la richesse de végétaux qui servent, sans même qu'on le soupçonne, à l'élaboration de nos médicaments les plus modernes et les plus courants.

 

Tout, dans ce village, nous ramène à notre condition d'homme humble et nous rappelle que la nature est notre bien le plus précieux. Tout nous rappelle combien la vie est fragile, et combien l'homme blanc a pu être cruel envers un peuple qui avait pour seul tort de vouloir vivre en harmonie avec la nature. Tout nous rappelle que la véritable intelligence n'est pas là où l'on veut bien le croire.

 

Gilbert Larose a mis 5 longues années pour parvenir à ses fins. Cette homme passionné (et passionnant) a très certainement puisé son inspiration dans ses propres racines, puisqu'il est lui même petit-fils d'esclave.

SAM_0372 

Représentation du débarquement des colons et de la traite des esclaves

SAM_0351

Représentation d'un gros pervers de colon aux yeux salaces, convoitant une pauvre esclave.

 

C'est ainsi que case après case, nous est relaté le passé des "nèg'marrons", puis des descendants d'esclaves jusqu'au siècle dernier, à l'aide de toiles peintes par  sa sœur et des très impressionnantes sculptures de Narcisse Ranarison, illustrant la colonisation de l'île; il faut savoir que le terme de "marron" n'a aucun rapport avec la couleur des indigènes (aucun rapport non plus avec le groupe de rap); ce terme désigne en fait les esclaves en fuite (ou en "marronnage", de l'espagnol "cimarron", "sauvage" en français), qui payaient, malheureusement trop souvent, un lourd tribut à leurs tentatives d'évasion dans la forêt tropicale; s'ils étaient retrouvés -et la plupart du temps ils l'étaient- de bien sévères sanctions leurs étaient infligées, selon les principes édictés par le Code Noir, rédigé par Colbert, et enregistré en Martinique le 6 août 1685:

à la première tentative d'évasion, on leur coupait les oreilles, et tel du bétail, on les marquait au fer rouge d'une fleur de lys sur l'épaule; en cas de récidive, on leur coupait le jarret, leur sectionnant les tendons afin d'empêcher toute escapade, et on les marquait d'une seconde fleur de lys, sur l'autre épaule; toutefois, même invalides, ils n'étaient pas exemptés de travail... leur calvaire ne prenait fin qu'à la troisième tentative, à l'issue de laquelle ils recevaient l'ultime châtiment: la mort. Bref, c'était super méchant.

 

 


HISTOIRE DE L'ESCLAVAGE EN MARTINIQUE

Pour bien comprendre le processus de colonisation subi par les indigènes, il faut revenir sur certains moments-clé:

 

Christophe Colomb s'intéressera à la Martinique, à qui elle doit son nom ("Martinino"), en 1502; la population indigène relève presque du mythe pour ce nouvel arrivant, puisqu'on ne connaît les indigènes qu'au travers de vagues témoignages.

 

Au XVI siècle existe une certaine hégémonie du peuple espagnol, qui ne porte alors que très peu d'intérêt à l'île, dont les autochtones sont considérés comme dangereux. Ils sont néanmoins à l'origine du commerce triangulaire et de la traite des nègres.

 

C'est un corsaire normand au nom alambiqué, Pierre Belain d'Esnambuc, sous l'influence de Richelieu (actionnaire de la compagnie des îles d'Amérique), qui lance le début de la colonisation en 1635; Des travailleurs français, dits "colons", s'engagent pour des contrats de 36 mois sur l'île, dans le but de travailler des concessions; Des esclaves venant d'Afrique sont également "importés". Les indigènes sont amadoués avec des objets sans valeur, et ainsi ils laissent les blancs conquérir leur territoire.

 

Mais en 1658, à la mort de Du Parquet, personnage important qui jusque là avait su maintenir les bonnes relations avec les indigènes, les caraïbes se rebellent contre les français, qui s'implantent en masse et tentent d'asseoir leur autorité: la guerre éclate alors, avec la bénédiction des prêtres installés sur l'île, et les pauvres indiens caraïbes sont massacrés. La culture de canne s'étend alors massivement, le commerce du sucre devient une manne pour l'occupant, et les amérindiens voient leur végétation si riche reculer inexorablement. Bref, si aujourd'hui il y a tant de diabétiques, c'est, quelque part, la faute des français.

 

En 1685, Colbert instaure un statut pour les esclaves, avec le fameux "code noir", évoqué plus haut, légalisant les pires sévices sur les caraïbes réduits au rang d'objet, mais, et c'est tout le paradoxe du code, en supprimant d'autres; Les conditions de travail sont terribles, la mortalité est accrue, les femmes et les enfants sont abusés, et pour pallier à l'hécatombe, d'autre esclaves sont importés du Sénégal. Le Père Labat décrit très précisément les affreuses conditions de vie des esclaves dans ses ouvrages, mais ne vous méprenez pas, il était lui-même un fervent défenseur de l'esclavage.

 

Avec les viols récurrents des maîtres blancs sur leurs esclaves noires, naissent des petits bâtards, dits "mulâtres", qui pouvaient naître libres ou esclaves. Il n'était pas rare que le père s'attache à ce petit enfant et l'affranchisse. L'enfant bénéficiait alors d'une éducation dangereuse pour le concept d'esclavagisme, puisqu'en grandissant, le petit mulâtre prenait conscience de l'absurdité du système, qu'il dénonçait avec force, prenant -logiquement- la défense de sa mère.

 

L'Angleterre s'empara souvent de la Martinique pour de brèves périodes, et l'esclavage, qui avait été aboli lors de la révolution française  de 1794, reprit de plus belle; Napoléon récupère définitivement l'île en 1802, mais maintient l'esclavage, jusqu'à ce que celui-ci prenne fin en 1848 sous l'influence de Schœlcher, du moins officiellement puisque dans les faits, il faut attendre 1948 pour l'abolition prenne définitivement effet.

 

MODE DE VIE DES DESCENDANTS D'ESCLAVES


Grâce au minutieux travail d'enquêteur de Gilbert Larose, on en apprend beaucoup sur les conditions de vie des esclaves affranchis:

 

Leurs habitations, tout d'abord:

 

     

SAM_0399 

Ma résidence secondaire

SAM_0335

 

 

- la "case" ou encore "grand carbet": elle dispose d'une pièce unique en terre battue, dans laquelle toute une famille peut s'entasser. Une couche de paille constitue un modeste couchage, les murs sont en gaulettes tressées, le toit en feuille de canne; et pour avoir essuyé la pluie au cours de ma visite, je peux vous assurer que l'ensemble est parfaitement étanche!!!

SAM_0352        SAM_0413

Extérieur et intérieur d'une case

 

- au fil du temps l'habitat subit des mutations et s'améliore, les murs se recouvrent de torchis, le mobilier et les ustensiles évoluent:

SAM_0411   SAM_0414

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Ici, vous pouvez aisément constater l'évolution des ustensiles des marrons, de l'ancêtre de la cocotte-minute à la Senséo.

Nan, je plaisante.

 

 

Mais le plus impressionnant reste à mon sens le jardin médicinal et tropical, avec quelques exemples notables de plantes aux vertus toutes plus stupéfiantes les unes que les autres (petit coup d'oeil aux "mots-clés" tapés pour accéder au blog ce jour et... et voilà, dès qu'on parle de "stupéfiants", tous les fumeurs de chichong et de joing rappliquent, héhé! Boaaaah ça fait toujours des lecteurs en plus...):

 

PLANTES MEDICINALES:

 

- la salsepareille, au pouvoir anti-inflammatoire et purifiant, efficace sur l'eczéma, l'arthrose, le psoriasis entre autres... et comme ingrédient de base aux gâteaux des schtroumpfs! Si vous le fumez, vous finissez tout bleu...

- l'aloès, laxatif et purgatif, efficace contre les brûlures. Ca ne se fume pas non plus, ou alors, c'est à vos risques et périls! Vous avez vu "Trainspotting"? La scène des toilettes? Hum?

- la citronnelle, parfaite contre les états grippaux et la fièvre. Si vous le fumez, c'est l'assurance de ne jamais attraper la dengue. Un jour, quand il avait 2 ans, mon petit garçon a tenté la curieuse expérience (2 ans, c'est l'âge des expériences bizarres. 14 ans, c'est l'âge des expériences débiles) d'avaler un flacon de "Moustifluid", acheté à l'occasion d'un séjour à la Réunion. Totalement en proie à la panique Avec un sang-froid inégalable, j'ai contacté le centre anti-poison afin de savoir si je devais renouveler mon abonnement aux urgences toulonnaises pour l'année 2005. "Ne quittez pas, je me renseigne le plus vite possible" me dit l'opérateur. "Madame? Vous êtes toujours là? Alors surtout, pas d'inquiétude... Au pire, votre enfant constitue à lui tout seul un puissant répulsif contre les moustiques pour les trois années à venir!!!" (Fou rire incontrôlable).

- la menthe, et son rôle bénéfique sur la digestion et les voies respiratoires,

- le fleurit-noël, et ses effets anti-inflammatoires, antibactériens, cicatrisant...

- l'herbe à lait, au pouvoir antalgique et fongicide,

- la zeb a famn (herbe à femme), hémostatique, analgésique, cicatrisante, antibiotique...

- le ti-ponpon, anti-infectieux puissant,

- le guérit-tout, aux vertus antimicrobiennes, antioxydantes, anti-inflammatoires, antispasmodiques..

- le cresson, parfait pour son apport en vitamine C,

- la plante Efferalgan (si, si!!!):contre la fièvre et les céphalées, bénéfique pour la digestion,

- la plante Doliprane (mais siiii je vous dis!!!): même utilisation que la plante Efferalgan...

- la marijuana, qui permet voler comme Peter Pan Bah non, c'est une visite familiale, pas un parc-à-zamal, hé ho!

 

J'en oublie probablement, ma liste n'est pas exhaustive...

Pour le plaisir, quelques photos de fruits...

SAM_0385  SAM_0393

 

SAM_0434  SAM_0459

 

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En dernier plan, vous pouvez observer une calebasse, qui sert à la conception d'ustensiles tels que des plats, des assiettes, ou encore des louches. D'autre part, j'avoue humblement que j'ignorais sur quoi poussaient les ananas jusqu'à ce jour. La grosse honte.

 

 

 

... et de fleurs:

 

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Voila pour l'essentiel de cette visite, qui vaut réellement le détour, et à l'issue de laquelle vous pouvez acheter ces délicieux bâtons de cacao dont se régalaient les ancêtres martiniquais, mais aussi du beurre de cacao pur, qui m'a guérie d'une plaie profonde à la main en un temps record, alors que le corps médical m'avait déclarée perdue, ou encore de fameuses liqueurs à la goyave (prononcez "GOAYAVE" et non "GOÏAVE", pour la simple et bonne raison qu'on ne dit pas "VOÏAGE" mais "VOAYAGE"; je vous rassure, moi-même je n'ai découvert cette subtilité qu'en arrivant sur l'île!); Le tout étant fabriqué "maison". Enfin, "case".

Pour les curieux, Gilbert Larose a édité un petit livre fort intéressant, illustré par sa sœur elle-même, sur l'usage des fameuses plantes médicinales dont je parlais plus haut.

 

Et n'hésitez pas à vous rendre sur le site de ce courageux Monsieur: http://www.lasavanedesesclaves.fr/

 

Merci à lui pour ce fabuleux voyage dans le temps!

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Commentaires
L
... fut pour moi, Sylvie ;) J'ai été particulièrement touchée par cette oeuvre, parce que je pense qu'on peut l'appeler ainsi. Et toutes les générations ont accroché, même mes enfants m'en parlent encore!
S
parce que je n'ai pas eu l'occasion de voir ce site terminé ! <br /> <br /> <br /> <br /> Les photos sont splendides ...<br /> <br /> <br /> <br /> Ton résumé est clair et précis ... <br /> <br /> <br /> <br /> Bref, merci ...j'en ai la larme à l'oeil ...
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